De amorem
Je vais tenter ici de montrer que ceux qui croient aimer toute leur vie sont dans l'illusion.
L'Amour ne peut pas durer, car l'Amour est, comme toute relation humaine, conflit.
Je pense que que l'on ne peut pas aimer plus d'un certain temps, une
certaine période. Pour faciliter la démonstration et la rendre plus
simple, nous allons dire trois ans, en passant sur l'arbitraire de ce
chiffre, mais qui est cependant justifiable, ce que nous allons tenter
de faire.
Le Philosophe aime la sagesse (φίλειν = aimer et σοφία = la sagesse) parce que justement il
n'est pas sage. C'est cet amour de la saggesse qui la rend intouchable.
En l'aimant, en la voulant, il se condamne à ne jamais la saisir, car
on aime toujours ce que l'on n'a pas. On veut ce que l'on n'a pas, et
l'on ne veut pas ce que l'on a. Je parrais sûrement redondant, mais on
aime ce qui nous manque. Il suffit d'observer un enfant qui désire un
nouveau jeu. Il va l'admirer dans toutes les publicités, il sera l'objet
de sa pensée ; jusqu'au jour où il l'obtiendra. Il jouera pendant
quelques jours avec, par goût pour le nouveau, et finira par
l'abandonner car il ne l'intéressera plus.
On aime ce qui nous manque. Et comme le disait Pascal "Nous ne vivons pas, nous espérons de vivre et espérant être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais".
Le désir ne supporte pas l'étreinte : l'amour s'estompe dans la possession, et il est déçu quand il est satisfait.
Quand j'aime quelqu'un, je voudrais qu'il devienne à moi, je
voudrais l'assimiler, qu'il soit à moi, qu'il soit en moi, qu'il soit
mien ou même mieux, qu'il soit MOI. Car que cherche-t-on dans l'autre en amour ? C'est soi-même. Et puis en considérant l'autre ainsi, il n'est plus sujet pour moi, mais il devient objet.
Objet de ma pensée, objet de mon désir. En faisant cela, je l'empêche
d'être sujet et donc je lui enlève sa capacité de penser le monde, de
le juger, de le choisir, de réfléchir, de se voir, en gors : sa liberté.
Alors qu'un objet ne pense pas le monde et ne se pense pas lui-même.
C'est presque réduie l'autre à la condition d'un abat-jour.
Or, on finit vite par se rendre compte que ce n'est pas possible,
que c'est un être à part entière, qu'il n'accepte pas d'être néantisé,
d'être aliéné, d'être réduit à être seulement le complément de mon
désir (JE t'AIME). L'autre a aussi des envies, des volontés, une liberté. Et cela, on arrive pas à l'accepter.
Sartre pensait que l'on tombe amoureux des gens qui ont une vision
négative de nous car l'amour est un moyen de contrôler l'image que
l'autre a de moi. Je m'intéresse plus spécialement à ceux qui me
méprisent. Mon but est d'inverser ce qu'ils pensent de moi. Quand ça
réussit, ils ne m'intéressent plus.
Encore une fois, donc, on a pu le voir, en amour, il y a conflit à cause de l'insociable sociabilité de l'Homme (comme le pensait Kant). Je ne peux pas vivre avec les autres, mais je ne peux me passer d'eux.
Et les couples durables, alors ? me diriez-vous. C'est vrai qu'il
est admirable de voir nos parents et grands-parents vivre ensemble
depuis 20 40 60 ans ou même plus ! Bravo à eux ! Mais je pense qu'au
bout d'une certaine période, l'amour se transforme en attachement. Le
fait de vivre avec l'autre s'ancre dans nos habitudes. Et le perdre
nous fait mal et nous rend triste car on a perdu cet attachement et nos
habitudes.
Il y a une autre raison aussi. Certains pensent que si l'amour
véritable ne dura pas, c'est parce qu'on a peut-être des "pulsions"
animales. En effet, chez les bébés animaux, une fois qu'il n'ont plus
besoin de leurs parents et de surcroît de leur mère pour survivre, ils
s'en vont. Chez les humains, ça serait pareil. Quand le bébé arrive à
un âge où il peut survivre seul, l'amour s'en va car le couple n'a plus
à rester uni pour garantir la survie de leur enfant.
C'est pour cela même que l'on ne peut aimer toute sa vie. Et puis, finalement, qu'est-ce que ça veut dire "aimer" ?
On utilise "amour", "aimer" comme un raccourcis langagier. J'explique.
Ce mot est la "somme" de tout ce que l'on peut ressentir pour une
personne et qui prendrait trop de temps à expliquer avec des mots car
trop nombreuses, et même parfois, on n'arrive pas à trouver les mots ! Donc en définitive, est-ce l'Amour existe ? Non. Mais des amours, problablement.
On peut regarder le fait de dire "je t'aime" sous deux aspects.
Soit du côté péjoratif en disant que dire je t'aime, c'est choisir la
facilité ; ou alors du côté plus mélioratif (et romantique à souhaits)
en disant que l'on choisit le mot le plus fort et qui signifie de plus
de choses pour déclarer sa flamme à l'élu(e) de son coeur..
Cette pensée qui est au fond de nous, qui est vôtre, qui est cet
amour pour elle ou lui, c'est quelque chose que vous exprimez avec des
mots on ne peut plus banaux, on ne peut plus communs : je t'aime. Ces
mots, usés d'avoir trop de fois été prononcés. En les disant, vous
alienez notre pensée car le meilleur de la pensée est l'inexprimable.
Ce sentiment qui vous était propre, unique, singulier ("je t'aime comme
je n'ai jamais aimé") vous le gâhcez en l'exprimant avec des mots
communs : aimer. Vous dites je t'aime comme vous dites que vous aimez le
camembert. Echange femme contre camembert, insupportable non ? N'est-ce pas
le comble du machisme ?
Comme le pensait Jean-Paul Sartre, c'est vrai qu'il pensait beaucoup cet homme (et comme le disait si bien Françoise Sagan "On est trop à penser peu et peu à penser trop" !), l'amour finalement se "balade" entre deux extrêmes. En effet, d'un côté, je considère l'autre comme un objet, et donc je suis sujet, c'est du sadisme ; et d'un autre côté, je demande aussi à l'autre de m'aimer en retour, donc que je sois son objet et lui devient alors sujet, c'est donc du masochisme. Et des amours "classiques", "normales", "conventionnelles" sont donc sado-masochistes.
Il faut également se méfier de certaines personnes qui, quand on
leur annonce nos sentiments, ne savent plus où ils en sont et
maintiennent à notre égard une relation amicale ambiguë. Il sont dans
deux positions : malaise et flatterie.
D'un côté malaise car elle se sent gênée de ne pas ressentir les mêmes
choses que nous. De l'autre flatterie car c'est bon pour son ego de se
sentir aimé, ça lui donne de l'importance ; ego qui peut encore garder
les cicatrices de la dernière relation qui n'a pas fonctionné, et
inconsciemment l'autre peut être tené de profiter de cet amour qu'on
lui envoie pour réussir avec nous ce qu'il a raté avec le précédent. La
personne aimée peut alors se servir de nous pour obtenir ce qu'elle n'a
plus et ce dont elle manque cruellement depuis la fin de la dernière
relation : câlins, baisers, considération, respect, sexe, etc. Elle va
m'utiliser à ses fins. Kant disait : "ne considère pas autrui comme un moyen mais comme une fin !"
Elle m'utilise comme moyen pour parvenir à ses fins, et cela nul ne
doit l'accepter ! (et il faut faire attention de ne pas tomber dans ce
jeu là car nous, en étant amoureux de l'autre, pourrions profiter de
cette demande et recherche de câlins pour le lui donner, et ainsi
sastisfaire notre désir. Dans ce cas, la relation pourrait être
CATASTROPHIQUE). L'autre aime bien, quand il se sent aimé, jouer avec
les sentiments de cette personne, c'est un peu sadique en soi, mais lui
donne une impression de force, de maîtrise, peut-être en compensation
de la frustration qu'il a à se sentir dominé par l'autre sexe...
Une relation amoureuse est basée sur l'équilibre (entre autre celui entre sadisme et masochisme) entre les personnes : 1+1=2
voilà l'équilibre parfait (ou même 1+1=3 si affinités...!), mais
surtout ne jamais construire si cette harmonie n'est pas respectée car
le faire sur 1.9+0.1=2 vouerait nécessairement la relation à l'échec.
Chacun donne ce qu'il peut, aussi petite soit la chose à donner, il
faut la donner quand même. Et je ne parle pas de richesse matérielle ou
pécunière (ce n'est que de la poudre aux yeux pour l'attrait sexuel),
mais de richesse sentimentale, passionnelle, énergétique, intellectuelle.
Pour moi ce qui est à la base de toute relation amoureuse, c'est le respect, mais avant toute chose : la confiance. La confiance est nécessaire : qui est et qui ne peut pas ne pas être. En disant cela, je m'insurge contre ceux qui pensent que la jalousie est une preuve d'amour. La jalousie est une dérive sadique de l'amour. Le jaloux considère que l'être aimé lui appartient, l'aliénant par voie de conséquence, et la déshumanisant car l'absence de confiance en l'autre lui enlève, selon le jaloux, toute capacité à agir raisonnablement, il le réduit à un objet. Ce qui doit caractériser les relations amoureuses, et entre les personnes, ce sont ces trois adjectifs : liberal (=je laisse des libertés), libertaire (=je veux des libertés), libertin (= ca ne veut pas dire coucher avec tout le monde, tromper son conjoint. Non sûrement pas. Mais simplement etre sans a priori et sans remords, profiter de la vie et de mener des relations intenses.)
Jusqu'à maintenant, et en guise de conclusion (ce qui ne veut pas dire que la partie sur l'amour est terminé, au contraire : un écrit philosophique n'est jamais fini), je n'ai que donné une vision pessimiste de l'amour, mais je tenais à dire que, personnellement, quand j'aime, je le fais avec passion, mais avec ma propre passion, c'est-à-dire sans entrer dans les clichés usés tels que l'amour avec les couchers de soleil, les petits oiseaux, les petites fleurs, etc (non, pour moi tout ceci n'existe pas, c'est juste une manière de réussir à mettre l'autre dans son lit). L'amour et la manière de le démontrer doivent être personnels et propre à chacun. Le meilleur et le plus séduisant, à mon sens bien sûr, est le romantisme du quotidien ; savoir être attentionné, savoir trouver le mot qu'il faut quand il faut, savoir surprendre l'autre à tout moment, utiliser des petites choses de tous les jours, des petits riens, qui sont bannaux et dont on ne fait plus attention pour les transformer en quelque chose de grandiose, de personnel, et d'unique aussi bien pour celui qui donne que pour celui qui reçoit.
Alors aimez-vous et respectez vous !
Extrait de : Alexandre M, Essais Philosophiques.